Chapitres

Taxonomie

Résumé condensé de cette page

Quels critères utiliser pour distinguer les virus ? Essentiellement basée sur le type de génome viral, la stratégie réplicative ou la structure de la particule, la taxonomie des virus occupe une place particulière. Le concept d’espèce virale, en l’absence de reproduction sexuée, est tout à fait spécifique. Cette partie donne aussi accès aux ressources qui permettent de connaître le nom d’un virus donné, comme la base de données de l’International Committee for Taxonomy of Viruses (ICTV).

La systématique est l’étude des types et de la diversité des organismes et des relations qui existent entre ceux-ci. Cette discipline fondamentale brasse à la fois la classification des organismes ou taxonomie, la nomenclature utilisée pour leur dénomination et les analyses liées à l’étude de l’évolution des organismes et leur phylogénie. Il est toutefois communément admis que l’origine des virus est probablement multiple, et qu’en outre, les multiples recombinaisons et réassortiments entre génomes viraux impliquent l’existence d’organismes chimériques et de génomes polyphyléthiques…

1. Pourquoi utiliser la taxonomie ?

Sur un plan scientifique, il est capital de bien s’entendre sur la dénomination des virus. La classification des virus est néanmoins originale par rapport à la nomenclature binomiale latine utilisée habituellement pour les organismes vivants.

Pratiquement, la nécessité de diviser le monde des virus en entités facilement identifiables et acceptées universellement est la justification pour le développement d’un système de classification. Initié en 1966 lors d’un congrès à Moscou, un comité à ainsi été mis en place au sein de la division virologie de l’Union Internationale des Sociétés de Microbiologie (ICTV, International Committee For Taxonomy Of Viruses) dont la tâche est de proposer un schéma taxonomique pour tous les virus, aussi bien d’animaux (vertébrés, invertébrés, protozoaires), plantes, algues, champignons, bactéries…

2. Quels critères utiliser pour distinguer les virus ?

Les premiers critères pour distinguer les virus ont d’abord été des critères cliniques ou pathologiques (par exemple, virus de la mosaïque du tabac dénommé en fonction de la maladie produite), ainsi que des éléments de nature écologique ou liés au mode de transmission et au vecteur. Ces éléments sont bien entendus toujours utilisés, mais ces regroupements fonctionnels que l’on peut utiliser pour des raisons pratiques ne sont pas pris en compte dans la taxonomie proprement dite des virus (exemple : les hépatites, dues à des virus fort différents les uns des autres).

Avec l’essor de la microscopie électronique, la morphologie des particules virales s’est ensuite implantée comme le premier critère utilisé.
Bien que la plupart des virus aient pu être observés en microscopie, d’autres éléments ont vite été pris en compte, comme la stabilité (à différents pH, détergents, températures,…) ou encore l’antigénicité.

 

Mais aujourd’hui, les critères essentiels utilisés en taxonomie sont : 

  • Le type de génome viral et son organisation
  • La stratégie de réplication virale (voir tableau ci-dessous)
  • La structure de la particule virale

I.4.2. Exemples schématisés de particules virales
Pour visualiser les micrographies électroniques, passez le curseur sur les schémas

La plus pratique des classifications est probablement celle basée sur le type d'acide nucléique (ADN ou ARN) et son mode d'expression.

3. La classification de Baltimore

Cette classification, utilisée aujourd’hui comme base par l’ICTV, a été proposée initialement par David Baltimore, lauréat du prix Nobel de médecine en 1975

Tableau I.4.3.  : Classification par type de génome

Virus à ADN
         Groupe I - Virus à ADN à double brin
         Groupe II - Virus à ADN à simple brin
Virus à ARN
         Groupe III - Virus à ARN à double brin
         Groupe IV - virus à ARN simple brin à polarité positive
(Virus (+)ssARN ou de type ARN messager)
         Groupe V - virus à ARN simple brin à polarité négative
Virus à ADN ou à ARN à transcription inverse
         Groupe VI - rétrovirus à ARN simple brin
         Groupe VII - rétrovirus à ADN double brin

I.4.3. Présente la classification proposée par Baltimore

 4. Le concept d’espèce virale

Il existe bien sûr des différences fondamentales entre les virus et d’autres organismes, qui expliquent la spécificité de la nomenclature adoptée pour ceux-ci, notamment le parasitisme et l’absence de reproduction sexuée. Le concept d’espèce virale est donc particulier !

L’espèce virale est ainsi considérée comme une entité biologique qui forme une classe polythétique de virus, constituée par la descendance de ceux-ci et délimitée par l’occupation d’une niche écologique particulière.

en savoir plus sur le concept d'espèces polythétique

Caractères qui peuvent être utilisés pour délimiter des isolats viraux comme espèces distinctes au sein des familles Potyviridae et Geminiviridae (Van Regenmortel et al., 1997)

Caractère Potyviridae Geminiviridae
 
Génome   - Nombre de composants du génome différents
- Organisation des gènes différente au sein du génome
- Pas de transcomplémentation des produits de gènes
- Pas de pseudorecombinaison entre composants du génome
Séquence génomique < 85 % identique sur tout le génome

< 75 % identique dans la séquence 3’ non codante
< 90% identique au niveau de la séquence de la protéine de capside
Protéines - Différents sites de clivage de la polyprotéine
- Les virions réagissent différemment avec différents anticorps

< 90 % identique au niveau de la protéine de capside
- Les virions réagissent différemment avec différents anticorps

< 90 % identique au niveau de la protéine de capside
Transmission - Différentes espèces vectrices
- Différences de transmissibilité par la semence
- Différentes espèces vectrices
Effets dans les tissus infectés - Différences de morphologie des corps d’inclusion
- Pas d’effet de protection croisée
- Différents tropismes tissulaires
Spectre d'hôte - Différent suivant espèces clés - Différent suivant espèces clés

 Comparaisons de la protéine de capside des Potyviridae (1220 séquences)

Répartition graphique des isolats, espèces et genres de la famille Potyviridae, en fonction du pourcentage d’identité des séquences nucléotidiques ou des séquences en acides aminés de la protéine de capside

 

1.4.4. Répartition graphique des isolats, espèces et genres de la famille Potyviridae, en fonction du pourcentage d’identité des séquences nucléotidiques ou des séquences en acides aminés de la protéine de capside

Explication du schéma 1.4.4. en vidéo (par Claude Bragard)

1.4.5. Explication du schéma 1.4.4. en vidéo (par Claude Bragard)

  • Les propriétés physico-chimiques du virion
  • Les propriétés antigéniques des protéines virales
  • Le spectre d’hôte « naturel »
  • Le tropisme cellulaire et tissulaire
  • La pathogénicité et la cytopathologie
  • Le mode de transmission

5. Spécificité de la taxonomie virale

Il existe bien sûr des différences fondamentales entre les virus et les organismes cellulaires, qui expliquent la spécificité de la nomenclature adoptée pour ceux-ci. Les noms utilisés pour déterminer les ordres (suffixe –virales, p.ex. Mononegavirales), les familles (‑viridae, Luteoviridae), les sous-familles (-virinae, Paramyxovirinae) et les genres (-virus, Retrovirus) sont présentés sous forme latine et en italique, comme pour d’autres organismes. Par contre, pour les noms des espèces virales, la nomenclature officielle est anglophone et comporte une désignation du virus de type vernaculaire comme [maladie] suivi de [virus]. Le nom d’espèce virale est écrit avec une majuscule pour le premier terme et pour les noms propres compris dans la dénomination et est aussi écrit en italique (Tobacco mosaic virus, East African cassava mosaic virus).

Le huitième rapport de l’ICTV consacre ainsi l’existence de trois ordres, 73 familles, 9 sous-familles, 287 genres et plus de 5450 virus regroupés dans 1950 espèces. Sont inclus (par tradition) la description d’autres agents comme des virus satellites, viroïdes et agents d’encéphalopathies spongiformes ou prions.

Des bases de données accessibles via le web

Les nouvelles technologies de l’information permettent aujourd’hui de rendre accessible une grande quantité d’information et d’une manière très rapide. L’ICTV a ainsi developpé une base de données qui intègre le nom et la description des virus connus, ainsi que des outils informatiques liés à l’identification de ceux-ci….

D'autre sites web présentent un intérêt pour la valeur de l’information qu’ils comportent, comme par exemple les sites de banques de séquences (International Nucleotide Sequence Database Collaboration qui regroupe notamment les sites de GenBank et EMBL), pour les virus de plantes, la base de données VIDE ou encore DPV.

Collections et conservation de virus

Il est impossible, comme pour les plantes, de conserver un exemplaire type de virus. Pourtant, chaque espèce virale dispose d’un type (appelé type species), qui est en quelque sorte la référence choisie pour cette espèce. Toutefois, s'il est impossible de conserver un virus sous forme d’herbier, plusieurs modes de conservation ont été développés. Il existe ainsi plusieurs collections dont le but est de conserver et mettre à disposition des souches de virus


http://www.phage.ulaval.ca/
http://www.lgcpromochem-atcc.com/
http://www.dsmz.de/