L’étude de la structure virale a permis de mieux comprendre les virus. Cette partie du site explique comment ces particules sont constituées et quels sont les différents types de particules répertoriées. Des exemples de virus sont présentés sous forme de micrographies électroniques et de schémas.
L’étude de la structure virale a permis de mieux comprendre les virus et leur fonctionnement. Ainsi, en connaissant la manière dont le virion est construit, on comprend mieux plusieurs étapes essentielles du cycle viral, comme l’attachement, la pénétration, la décapsidation, ou encore l’assemblage et la sortie du virus. Outre les fonctions liées à l’attachement, la pénétration ou la sortie du virus, la capside virale assure sans doute une fonction de protection du virus, notamment dans le cas de virus transmis sous forme d’aérosols (virus de la grippe) ou de manière mécanique aux plantes (virus de la mosaïque du tabac). Ces dernières années, on s’est aussi aperçu que la capside pouvait être une structure dynamique.
La connaissance précise de la structure virale suscite un intérêt majeur dans le cadre de la recherche de vaccins ou encore dans le domaine des nanotechnologies : quoi de plus fascinant que la capacité du virus à encapsider de manière spécifique une molécule d’acide nucléique, dans l’environnement complexe d’une cellule !
Ces questions ont d’ailleurs passionné des chercheurs comme Crick et Watson ou Klug, qui à l’aide de techniques comme la diffraction des rayons X ou la microscopie électronique, sont parvenus à décrypter l’architecture de nombreux virus connus et la manière dont ceux-ci s’assemblent.
Dès les années quarante, la microscopie électronique à transmission a permis de voir l’invisible, de mettre une image sur les virus. Très vite, on a distingué les virus sur base de leur morphologie : virus allongés (particules en bâtonnets ou particules de type flexueux) ou virus sphériques. Les travaux de cristallographie associés à l’étude de la structure de macromolécules par diffraction des rayon X (comme par exemple l’élucidation de la structure de l’ADN par Crick et Watson) ont permis de réaliser des progrès considérables dans notre connaissance de la structure virale.
Fraenkel et Conrad (1956) publient ainsi un travail dans Scientific American : « Rebuilding a virus ». Ils montrent aussi l’infectiosité du seul acide ribonucléique viral, sans la protéine capsidiale et ouvrent la voie à la réversibilité, la possibilité de reconstituer des virions infectieux au départ des protéines et des acides nucléiques viraux préalablement purifiés. Ceci va permettre d’étudier les mécanismes d’assemblage de la capside.
L’hypothèse que la capside virale est constituée d’une même sous-unité de nature protéique, répétée un très grand nombre de fois, émerge très rapidement. Le génome extrêmement compact de nombre de virus est en effet incapable de coder pour un nombre suffisant de protéines. Néanmoins, une telle répétition implique aussi une symétrie importante dans la structure. La symétrie hélicoïdale du TMV est démontrée par Watson en 1954. Le Tomato bushy stunt virus (TBSV) un petit virus sphérique de 30 nm de diamètre, peut cristalliser dans un réseau cubique centré dont le côté du cube est de 383 Angström. Crick et Watson (1956) en déduisirent que le virus devait posséder une partie des symétries présentée par le cristal, notamment des symétries d’ordre deux et trois. Caspar montre la même année une symétrie icosaédrique (polygone régulier comportant 20 faces identiques) pour le TBSV, avec des axes de symétrie d’ordre 2, 3 et 5.
D'une manière systématique, le virus est composé d’un génome et d’une capside, une coque qui entoure l’acide nucléique viral. Cette capside est constituée par l’assemblage de sous-unités protéiques répétitives parfois appelées capsomères. L’ensemble formé par la capside et l’acide nucléique viral est appelé nucléocapside.
La microscopie électronique a permis la mise en évidence de deux grands types de structures capsidiales : des particules allongées (structure hélicoïcale) et des particules sphériques (structure icosaèdrique).
Outre la capside et l’acide nucléique viral, certains virus sont entourés d’une enveloppe de nature lipidique, parfois appelée peplos (manteau) : on parle alors de virus « enveloppés »virus dont la nucléocapside est entourée d'une membrane (double feuillet de phospholipides) originaire de la cellule hôte. Par contre, en l’absence d’enveloppe, on évoque des virus « nus ».
Un virus est habituellement constitué d’un génome composé d’un ou plusieurs brins d’acide désoxyribonucléique ou ribonucléique, sous forme linéaire ou circulaire. On distingue des ARN et ADN simple brin ou double brin, des ARN de polarité positive ou négative ou encore ambisens.
Les ARN viraux peuvent être coiffés (Figure I.3.1), associés à une protéine protectrice de manière covalente, se terminer par une séquence polyadénylée ou encore par une extrémité en pseudo-ARNt comportant un pseudo-nœud (Figure I.3.2)
I.3.2. Exemple d'extrémité en pseudo-ARNt comportant un pseudo-noeud
Les protéines de capside sont des protéines remarquables ! Elles sont capables de polymériser par auto-assemblage pour former ces structures complexes que sont les capsides virales. Dans certains cas, elles peuvent aussi interagir de manière spécifique avec les acides nucléiques d’origine virale. Certaines protéines virales de capside ont ainsi été étudiées en détail, comme la protéine de capside du VMT-TMV,
Les protéines types des virus icosaédriques possèdent une structure caractéristique, qui consiste en 150 à 200 acides aminés arrangés en huit feuillets beta anti-parallèles pour former une structure « trapézoïdale » ou tonneau (Figure I.3.3).
Certains virus comme les Retrovirus possèdent des protéines de matrice qui permettent la liaison entre la nucléocapside et l’enveloppe, via un domaine d’ancrage transmembranaire. Ces protéines ne sont généralement pas glycosylées. Par contre, elles contribuent souvent d’une manière significative à la masse de la particule virale.
I.3.4. Micrographie électronique de rétrovirus.
A droite : représentation schématique
Chez les Herpesviridae les protéines situées entre la membrane et la capside sont appelées ‘tégument’.
La plupart des virus de végétaux sont des virus nus, c’est-à-dire non enveloppés, à l’exception des Rhabdovirus et des Tospovirus. Sans doute peut-on expliquer cela par la différence notable que constitue la paroi des cellules végétales en comparaison des cellules animales. Par contre, de nombreux virus d’animaux ou d’insectes ont une structure capsidiale enveloppée. Les bactériophages quant à eux, peuvent être nus, enveloppés ou bien avoir une membrane à l’intérieur de la capside, enveloppant ainsi le génome (cas des Tectiviridae).
L'enveloppe joue un rôle capital dans l’attachement du virus sur la cellule-cible, par l’entremise de glycoprotéines membranaires spécifiques de récepteurs cellulaires. Un exemple typique de glycoprotéine membranaire est l’hémagglutinine du virus Influenza.
L'enveloppe virale est hérissée de glycoprotéines d’origine virale, parfois appelées spicules (Figure I.3.6). Certaines d’entre-elles possèdent un domaine d’ancrage transmembranaire, et sont souvent fortement glycosylées sur leur extrémité extra-virale. Parfois, le poids de la glycoprotéine est constitué à plus de 75% d’hydrates de carbone. Ces protéines constituent généralement des antigènes remarquables, tout en exerçant plusieurs fonctions : ainsi, l’hémagglutinine sert d’éliciteur (liaison à un récepteur cellulaire) et permet la fusion membranaire. Les propriétés de liaison aux hydrates de carbone sont exploitées dans le test d’hémagglutination.
L’enveloppe virale permet souvent aussi l’initiation de l’infection, en permettant la délivrance de la nucléocapside au niveau du cytoplasme cellulaire. Dans l’autre sens, le bourgeonnement permet la sortie du virus de la cellule sans provoquer la lyse complète de celle-ci, en permettant ainsi d’éviter de soumettre l’hôte à une pression trop élevée.
Les enveloppes virales comportent aussi des protéines de transport membranaires, comprennant plusieurs domaines hydrophobes transmembranaires. Ces protéines assurent les échanges entre le virion et l’extérieur et jouent un rôle essentiel dans la maturation biochimique des particules virales. La protéine M2 du virus Influenza est un exemple de ce type de protéines (Figure I.3.6).
lire aussi le chapitre sur le cycle viral
L’enveloppe est le support pour les déterminants de la reconnaissance virus-cellule hôte chez les virus enveloppés. Ces glycoprotéines (spicules) permettent au virus de reconnaître la cellule-cible, par l’entremise d’un récepteur cellulaire et sont dès lors parfois appelés anti-récepteurs. On connaît maintenant de mieux en mieux les récepteurs cellulaires et leur anti-récepteur viral. On a ainsi pu décrire des super-familles ou groupes de récepteurs caractéristiques.
Deux grands types de structure virale ont été mis en évidence : les virus allongés, à structure hélicoïdale, soit nus ou enveloppés et les virus quasi-sphériques, à structure icosaédrique.
Les virus allongés présentent donc des particules de symétrie hélicoïdale. Lorsque la capside de ce type de virus n’est pas enveloppée, on parle de virus « nus ». Il s’agit alors essentiellement de virus de plantes et de quelques bactériophages. Ces virus peuvent encapsider un acide nucléique dont la taille n’est pas limitée a priori. Le virus dont la symétrie hélicoïdale est le mieux connu est le virus de la mosaïque du tabac (VMT- TMV) (Figure I.3.8).
Comment se forme la capside d’un virus comme le VMT-TMV :
La sous-unité capsidiale du virus est formée par l’empilement compact de quatre segments d’hélice a, les deux extrémités -NH2 et -COOH étant exposées à l’extérieur de la particule (Figure I.3.9). Des interactions protéine-protéine entre sous-unités protéiques permettent un auto-assemblage de capside, même en l’absence de l’ARN.
I.3.9. Structure 3-D de la protéine de capside du VMT-TMV
La protéine de capside du VMT-TMV peut être préparée, complètement dépourvue d’acide nucléique. L’étude de son comportement en fonction du pH et de la force ionique a révélé un polymorphisme remarquable de ses états d’agrégation: en solution aux pH supérieurs à 8 et à faible force ionique, on trouve un mélange de petits agrégats, contenant une majorité de trimères. A pH acide (inférieurs à 6,5), les sous-unités s’auto-assemblent en hélices très semblables à celles du virus, qui comportent le plus souvent 16 et 1/3 sous-unités par tour. A force ionique moyenne et pH 7, la forme prédominante est un agrégat sédimentant à 20S, la forme « lock washer », en fait un début d’hélice. A force ionique élevée par contre, on rencontre un double disque.
Notez les différentes formes d'agrégation, de trimères à l'hélice en passant par la forme "lock washer" ou le double disque.
« Adapté de Nature, 229,37-42 »
On a montré l’importance capitale pour l’assemblage de la structure capsidiale d’une séquence de l’ARN génomique viral, l’origine d’assemblage (OAS), pour l’initiation de l’encapsidation. A cet endroit, l’ARN produit une structure en épingle à cheveu, à proximité de l’extrémité 3'. L'assemblage est décrit par la figure ci-dessous (Figure I.3.11).
I.3.11. Assemblage de la capside du virus de la mosaïque du tabac
L'ARN du génome viral est représenté en orange, les protéines de capside en bleu. Au final, la capside est une structure hélicoïdale dont chaque pas d'hélice comporte 16 et 1/3 protéine de capside.
I.3.8. Micrographie électronique du virus de la mosaïque du tabac
Au dessus : schéma d’une particule virale
D'autres virus qui présentent une symétrie hélicoïdale forment des particules allongées mais « flexueuses ». Dans ce cas, les interactions protéine-protéine sont moins fortes que dans le cas des virus rigides. Le virus X ou Y de la pomme de terre (Potato virus X - PVX, Potato virus Y- PVY) sont des exemples de ce type de virus.
Plusieurs virus présentent une symétrie hélicoïdale tout en étant enveloppés, dont tous les virus à symétrie hélicoïdale animaux et humains. Les myxovirus (Orthomyxovirus et Paramyxovirus) et les Rhabdovirus sont les principaux virus qui présentent cette forme structurale particulière. L’acide nucléique viral est entouré d’une capside pour former une nucléocapside flexueuse, enroulée de manière plus ou moins régulière dans le virion dont l’enveloppe est constituée de protéines glycosylées et de lipides.
Le virus de la stomatite vésiculeuse (Vesicular stomatitis Indiana virus, VSIV), le virus de la rage (Rabies virus, RABV) ou encore le virus de la mosaïque de la luzerne (Alfafa mosaic virus, VML-AMV) (Figure I.3.13) présentent une structure en forme de balle de fusil (bullet shape) caractéristique. Une protéine majeure, la protéine N, entoure l’acide ribonucléique viral. Une protéine de matrice permet le lien entre cette nucléocapside et l’enveloppe englobant les spicules glycoprotéiques.
I.3.14. Schéma type d’un rhabdovirus (à droite : coupe transversale)
a. Glycoprotéine
b. Phosphoprotéine
c. Nucléoprotéine
Le virus de la grippe (Influenza virus) (Figure I.3.15) possède une architecture complexe, comportant jusqu’à huit nucléocapsides distinctes au sein d’une enveloppe lipoprotéique complexe, hérissée de spicules constituées de deux glycoprotéines d’origine virale, l’hémagglutinine et la neuraminidase, qui jouent un rôle important comme déterminants antigéniques (Figure I.3.16).
I.3.15. Micrographie électronique de virus de la grippe
Schéma de la particule virale
I.3.16. a. Schéma d'une nucléocapside du virus de la grippe
b. Représentation simplifiée de la neuraminidase
c. Représentation simplifiée de l’hémagglutinine
d. Représentation simplifiée de la protéine M2
L’architecture des petits virus de forme sphérique a longtemps intrigué les scientifiques, car elle pose une série de questions intéressantes : comment un virus dont le génome est parfois limité à quelques milliers de bases nucléotidiques est-il capable de produire une capside de nature complexe, composée de plusieurs centaines de protéines ? Comment les sous-unités protéiques sont-elles capables d’interagir entre-elles ? Quelle est la taille de l’acide nucléique qui peut être encapsidé dans ce type de structure ?
Il est possible d’arranger des sous-unités protéiques symétriquement identiques pour créer une structure quasi-sphérique. En théorie, il est possible de construire ainsi un tétraèdre (quatre faces triangulaires), un cube (six faces carrées), un octaèdre (huit faces triangulaires), un dodecaèdre (12 faces pentagonales) et un icosaèdre, une forme quasi-sphérique qui comporte 20 faces triangulaires (Figure I.3.17).
I.3.17. Icosaèdre, forme géométrique formée de 20 triangles équilatéraux.
Notez les axes de symétrie d’ordre 2, 3 et 5
Cette structure correspond aux données obtenues début des années soixante pour une série de petits virus d’apparence sphérique. Il est plus économique pour le virus d’encapsider son génome dans une capside formée de plusieurs sous-unités identiques répétées, qu’en utilisant moins de sous-unités différentes mais plus larges. Il est d’ailleurs improbable qu’un tétraèdre puisse contenir le génome d’un virus entier, et si même un virus réussissait un tel tour de force, il est probable que la capside ainsi créée ne remplirait pas son rôle premier : protéger le génome viral ! Il est aussi important de souligner que la taille du génome qui peut être encapsidé dans un virus de type icosaédrique est limitée par rapport aux virus à capsides hélicoïdales, en principe de longueur illimitée…
L'icosaèdre est un polyèdre régulier ayant trois axes de symétrie, 12 sommets, 20 faces qui sont des triangles équilatéraux et 30 arêtes (Figure I.3.17).
Pour un virus donné, le nombre de protéines nécessaires à l’assemblage d’une capside icosaédrique est indiqué par le nombre de triangulation T : il faut T X 60 protéines pour construire la capside.
Dans le cas des plus petits virus connus, comme le phage ø174 (Microviridae), le nombre T est égal à 1 (Figure I.3.18).
Si il est possible de former un icosaèdre à l’aide de 60 sous-unités identiques, comme pour le phage f174 (Microviridae), une fois que la taille du virion est plus importante et le nombre de sous-unités requises, un assemblage totalement symétrique de celle-ci devient vite impossible ! En 1962, Caspar et Klug (Caspar, D.L.D. and A. Klug, 1962. Physical principles in the contruction of regular viruses. Cold Spring Harbord Symp. Quant. Biol., 27 :1-24) ont ainsi proposé la théorie de « quasi-équivalence ». Ils proposent que l’icosaèdre puisse s’auto-assembler par liaisons quasi-équivalentes entre sous unités capsidiales. On peut projeter l’icosaèdre sur une surface qui comporte 20 triangles équilatéraux.
Si l’on visualise un ensemble d’hexagones, à plat, sous forme de réseau, tous les liens internes entre ces éléments sont identiques. Pour former un icosaèdre, on doit « courber » le réseau et transformer un certain nombre d’hexagones en pentagones, exactement comme un ballon de football (un ballon de football est constitué d’hexagones et de pentagones. L’association des hexagones et des pentagones permettent d’obtenir une sphère).
Un examen attentif des micrographies électroniques montre que le nombre et la quantité de structures apparentes en surface des virions souvent ne correspond pas à un multiple de 60. On s’aperçoit ainsi que les protéines à la surface de la capside ne sont pas nécessairement regroupées au niveau des triangles équilatéraux qui forment le pseudo-icosaèdre, mais peuvent être distribuées d’une manière différente. On nomme ces groupes de protéines des capsomères.
I.3.18. Plane Tilings and Virus Symmetries
I.3.19. Représentation schématique d’un virus T=1
Illustration fournie par Jean-Yves Sgro, d'après la structure déterminée par Arnold, E., Rossmann, M.G. (1988) Acta Crystallogr.,Sect.A 44: 270-282. Données de la banque PDB: 4RHV
Voir aussi le site web sur la structure des virus:
http://www.virology.wisc.edu/virusworld/viruslist.php
Un certain nombre de virus élaborent leur capside d’une manière qui ne correspond pas aux standards hélicoïdaux ou icosaédriques. Par exemple, les phages de la série T montrent une structure de nature binaire, impliquant à la fois des éléments de nature hélicoïdale et icosaédrique (Figure I.3.20).
I.3.21. Représentation du bactériophage T4
Pour visualiser la micrographie électronique, passez le curseur sur le schéma (copyright photo : B. Duda, 1998)