Chapitres

Cycle viral

Résumé condensé de cette page

L'interaction spécifique entre une protéine virale et un récepteur cellulaire permet au virus de s'attacher à la cellule et d'y introduire son génome. Celui-ci joue deux rôles essentiels dans la cellule infectée: d'une part, il assure l'expression des protéines virales; d'autre part, il est répliqué puis encapsidé pour générer de nouveaux virions infectieux. Ces derniers sont libérés par la cellule infectée et peuvent alors propager l'infection. Etant donné que la réplication du génome viral et l'expression des protéines du virus dépendent en bonne partie de la machinerie cellulaire qui est compartimentalisée, le cycle de réplication des virus dans une cellule varie fortement selon la nature du virus et de son génome.

Le cycle d'infection d'une cellule par un virus peut être décomposé en trois grandes étapes:

  1. L'attachement, la pénétration, et la décapsidation qui conduisent à l'internalisation du génome viral dans la cellule cible.
  2. L'expression des gènes et la réplication qui vont, respectivement, assurer la synthèse des protéines codées par le génome viral et permettre la multiplication de ce génome.
  3. L'assemblage et la sortie qui vont mener à la production et la libération de particules virales infectieuses, capables de propager l'infection à d'autres cellules.

1. Attachement, pénétration (entrée) et décapsidation du virus

Le cas particulier des virus de plantes est envisagé au point 1.3.

1.1. Attachement

Adsorption du virus à la cellule cible (en savoir plus)

L'étape d'adsorption du virus semble être le fruit de collisions aléatoires entre le virus et la cellule cible. L'attachement peut être facilité par des conditions appropriées de pH et de température, mais semble ne nécessiter aucune source d'énergie comme l'ATP.

- Le premier stade de l'infection est la rencontre du virus et de la cellule cible (adsorption). L'attachement du virus à la cellule survient alors, suite à la reconnaissance d'un récepteur qui est spécifique pour le virus et correspond classiquement à une protéine de surface de la cellule cible. L'expression de ce récepteur est souvent limitée à certains types de cellules ou de tissus. Le récepteur est donc généralement un déterminant crucial du tropisme d'un virus.
- Côté virus, la reconnaissance du récepteur cellulaire s'exerce par un composant externe du virion. Dans le cas des virus enveloppés, ce sont des glycoprotéines de l'enveloppe virale qui assurent la reconnaissance d'un récepteur sur la cellule à infecter. Dans le cas des virus nus, cette interaction se fait par les protéines de la capside.

"Récepteur viral et interaction virus-récepteur" :

- Le récepteur utilisé par les virus pour se fixer sur la cellule hôte est une molécule de surface de cette cellule. Celle-ci peut-être une protéine membranaire (le plus souvent), un sucre (souvent attaché lui-même à une protéine), des protéoglycanes, un glycosaminoglycane comme l'hérapan sulfate...

- Ce récepteur n'est pas exprimé par la cellule dans le but de favoriser l'infection par les virus. Il joue généralement un rôle physiologique important pour la cellule en question: interaction avec les cellules voisines, capture et transport de composés extracellulaires....
Par exemple, le virus du sida utilise comme récepteur la molécule CD4, exprimée par certains lymphocytes T et par les macrophages. Cette molécule est essentielle au fonctionnement des lymphocytes T CD4+, en leur permettant d'interagir avec les molécules du complexe majeur d'histocompatibilité de classe II exprimées par les cellules présentatrices de l'antigène.

- L'interaction entre le virus et le récepteur est spécifique. Chaque espèce de virus a évolué pour reconnaître un récepteur donné. Il existe néanmoins quelques cas de virus d'espèces différentes qui utilisent un récepteur commun.

- "Co-récepteur": Parfois, l'infection d'une cellule fait intervenir la reconnaissance de plus d'une molécule cellulaire. On parle alors de récepteur et de co-récepteur.

Virus  Récepteur   Fonction du récepteur
VIH / HIV
(virus du sida)
CD4 protéine de surface impliquée dans l'interaction entre cellules immunitaires (lymphocytes et macrophages)
  CCR5
(co-récepteur)
récepteur de chimiokine exprimé sur les macrophages
  CXCR4
(co-récepteur)
récepteur de chimiokine exprimé sur les lymphocytes T    
     
EBV
(virus de Epstein-Barr)
CR2 récepteur du complément (réponse immunitaire)
     
Rhinovirus LDLR récepteur des lipoprotéines de faible densité
     
Adénovirus CAR   interaction homotypique entre cellules
virus Coxsackie B

I.5.0. Fonctions cellulaires de récepteurs viraux

Interaction virion - récepteur :

L'interaction entre le virion et le récepteur est une interaction physique qui met en jeu des liaisons de même type que les liaisons qui se font classiquement entre molécules biologiques: formation de ponts hydrogènes, liaisons électrostatiques (complémentarité de charges), interaction de domaines hydrophobes... La complémentarité des domaines qui interagissent est très précise et l'affinité du virion pour le récepteur peut donc être importante.

Illustration de l'interaction virus (gauche) - récepteur (droite) montrant la complémentarité de structure et les interactions entre une protéine de surface du virus et le récepteur cellulaire

I.5.1. Illustration de l'interaction virus (gauche) - récepteur (droite) montrant la complémentarité
de structure et les interactions entre une protéine de surface du virus et le récepteur cellulaire

 

Capside : coffret rigide ou structure dynamique ? (en savoir plus)

On note que la capside des virus joue des rôles assez contrastés:

  • D'une part, elle joue un rôle protecteur. Pour cela on imagine qu'elle constitue une sorte de coffret le plus étanche possible. Par exemple lorsqu'il est encapsidé dans le virion, le génome des virus à ARN est totalement protégé de l'action des RNases présentes dans le milieu extérieur.
  • D'autre part, elle joue un rôle dynamique. Dans le cas des virus nus, cette capside doit pouvoir interagir avec le récepteur, puis subir les altérations qui permettront au génome viral d'être libéré dans le cytoplasme de la cellule hôte. Pour cette fonction, on imagine que la capside ne doit pas être structurée de manière trop rigide.

 

1.2. Pénétration (entrée) et décapsidation

Les étapes de pénétration et de décapsidation aboutissent à la libération du génome viral dans la cellule cible. Au cours de la pénétration du génome viral dans la cellule, celui-ci est partiellement ou totalement débarrassé des protéines qui le protégeaient dans le virion: ce processus de déshabillage est appelé "décapsidation". Le génome qui aboutit dans le cytoplasme de la cellule peut être "libre" (en général, cas des virus à ARN+ ou des virus à ADN), ou rester associé à des nucléoprotéines sous forme de "nucléocapside" (cas des virus à ARN- ou, transitoirement, des rétrovirus). L'entrée et la décapsidation sont des phénomènes dynamiques, donc difficiles à étudier et relativement mal connus. Selon la nature du virus, ces étapes varient sensiblement.

Schémas de nucléocapsides

I.5.2. Schémas de nucléocapsides
La nucléocapside est le complexe formé entre le génome viral et les protéines qui le recouvrent.

 

1.2.1. Virus nus :

Les virus nus (non-enveloppés) "injectent" leur génome dans le cytoplasme de la cellule. Cette étape peut se faire au niveau de la membrane plasmique, suite à l'interaction de la capside avec le récepteur. Elle peut aussi s'opérer après endocytose. Le génome est alors "injecté" à travers la paroi de l'endosome. On pense que, dans certains cas, la capside et l'endosome subissent des altérations qui les rendent perméables au passage du génome viral.

1.2.2. Virus enveloppés :

Les virus enveloppés ont en commun le fait que l'entrée de leur génome dans le cytoplasme de la cellule hôte fait intervenir une étape de fusion de deux membranes: l'enveloppe virale et une membrane de la cellule hôte. Cette fusion est assurée par certaines glycoprotéines de l'enveloppe du virus.

- Pour certains de ces virus, la liaison au récepteur qui est exprimé en surface de la cellule permet directement la fusion de l'enveloppe virale et de la membrane plasmique cellulaire.

- Pour les autres virus enveloppés, l'interaction avec le récepteur en surface de la cellule induit l'endocytose du complexe virus-récepteur. La fusion survient alors entre l'enveloppe virale et la membrane de l'endosome.

Modalités d'entrée des virus nus (non-enveloppés).

I.5.3. Modalités d'entrée des virus nus (non-enveloppés).
Les protéines de la capside virale interagissent avec le récepteur de la cellule cible. Pour certains virus (1), cela déclenche un phénomène "d'altération" de la capside qui "injecte" le génome à travers la membrane plasmique. Pour d'autres (2 et 3), l'altération se produit après endocytose du complexe virus-récepteur. L'altération de la capside conduit soit à l'injection du génome du virus à travers la membrane de l'endosome (2), soit à une perméabilisation de la capside virale et de l'endosome (3) (les Rhinovirus semblent utiliser ces 2 dernières stratégies).

Modalités d'entrée des virus enveloppés.

I.5.4. Modalités d'entrée des virus enveloppés.
L'entrée des virus enveloppés fait intervenir une étape de fusion entre l'enveloppe du virus et une membrane cellulaire. Chez les premiers (1), comme le virus du sida ou les paramyxovirus, l'étape de fusion survient directement au niveau de la membrane plasmique de la cellule.
Les autres virus (2) utilisent la voie de l'endocytose, via les vésicules à clathrine (coated pits), ou via la voie des cavéosomes . En général, la baisse de pH des endosomes engendre une modification de la conformation de la glycoprotéine virale qui déclenche alors la fusion de la membrane du virus (enveloppe) et de celle de la vésicule d'endocytose. Suite à la fusion des membranes, la nucléocapside se retrouve libérée dans le cytoplasme de la cellule.

Fusion de membranes

I.5.5. Etapes de la fusion de l'enveloppe virale et d'une membrane cellulaire.
1. Interaction entre la glycoprotéine d'enveloppe et le récepteur / co-récepteur.
2. Modification de conformation de la glycoprotéine qui rapproche les 2 membranes
(enveloppe virale et membrane cellulaire).
3. Réarrangement des phospholipides membranaires.
4. Passage du génome dans le cytoplasme de la cellule.

Propriétés des virus qui fusionnent avec la membrane plasmique (en savoir plus)

Les virus enveloppés pour lesquels l'étape de fusion se passe au niveau de la membrane plasmique présentent certaines caractéristiques propres:

  • Leur entrée ne dépendant pas d'une baisse de pH endosomiale, ils sont généralement résistant aux variations de pH.
  • L'infection de cultures de cellules par ces virus conduit généralement à la formation de syncytia. En effet, les glycoprotéines d'enveloppe du virus, ancrées transitoirement dans la membrane plasmique de la cellule infectée, peuvent interagir avec les récepteurs présents sur les cellules voisines et provoquer ainsi la fusion des membranes des deux cellules. De proche en proche, des fusions de cellules successives peuvent donner lieu à de grands syncytia.

Que ce soit dans le cas des virus nus ou dans le cas des virus enveloppés, il faut souvent deux signaux distincts et l'intervention de plusieurs protéines virales et cellulaires pour assurer l'entrée et la décapsidation du génome. Le premier signal est l'interaction du virus avec le récepteur. Le deuxième signal peut être la baisse de pH, la température, ou encore l'interaction avec un co-récepteur.

Entrée du virus coxsackie dans les cellules épithéliales

Schéma de l'entrée du virus coxsackie dans les cellules épithéliales

I.5.6. Schéma de l'entrée du virus coxsackie dans les cellules épithéliales

  1. Attachement du virus au récepteur DAF.
  2. Activation des kinases Abl et Fyn.
  3. La kinase Abl induit la migration du complexe virus-récepteur.
  4. Migration du complexe virus-récepteur vers la face latérale de la cellule.
  5. Interaction du virus avec le récepteur CAR.
  6. La kinase Fyn induit l'endocytose du complexe.
  7. Endocytose et décapsidation du virus.

 

Propriétés du virion et tropisme du virus (en savoir plus)

On note aussi que le mode d'entrée d'un virus dans une cellule peut considérablement influencer le comportement du virus dans un organisme. Outre la spécificité cellulaire assurée par l'interaction virus-récepteur, le fait qu'un virus soit sensible ou résistant au pH acide (selon qu'il entre ou non par endocytose) peut faire en sorte qu'il soit ou non capable d'infecter un individu par la voie digestive qui implique le transit du virus dans des environnements très acides. L'enveloppe d'un virus peut aussi lui conférer une sensibilité importante à l'action de détergents comme les sels biliaires présents dans le tube digestif.

1.3. Cas particulier des virus de plantes :

- Les plantes se distinguent de la plupart des autres organismes par l'épaisse paroi de leurs cellules, constituée entre autres de cellulose. Il n'y a pas de phénomène d'endocytose et les processus de fusion de membranes ne sont pas de mise. Il en résulte que l'entrée des virus de plantes se produit le plus souvent par effraction: soit par l'intermédiaire d'insectes, de nématodes ou de protozoaires parasitant les plantes, soit par inoculation mécanique. Certains virus de plantes sont transmis efficacement par la voie végétative (boutures, tubercules, …) ou via le pollen et la semence.
- Par ailleurs, le mode de propagation des virus de plantes au sein de l'organisme varie également de manière importante par rapport à celui des virus animaux ou des bactériophages. Les cellules végétales sont connectées entre elles par les plasmodesmes, pores dont le diamètre (proche de 20 nm) est modulable. Le virus peut donc se propager d'une cellule à une autre sans passer par un stade de "virion extracellulaire". Il court-circuite ainsi les étapes de libération et puis d'entrée. Pour transmettre leur génome ou leur nucléocapside d'une cellule à une autre, les virus des plantes expriment en général une ou plusieurs protéines de mouvement qui modulent notamment le fonctionnement des plasmodesmes. Par ailleurs, ils peuvent mettre en oeuvre des mécanismes complexes qui favorisent leur transmission de plante à plante par leur vecteur.

2. Expression des gènes viraux et réplication

- Au sein de la cellule, le génome viral joue deux rôles distincts. D'une part, il est utilisé pour assurer l'expression des protéines virales, nécessaires à la réplication du virus et ensuite à la formation de nouvelles particules virales. D'autre part, il est multiplié ("réplication") avant d'être encapsidé pour former de nouvelles particules virales.
- La nature du génome viral détermine en bonne partie la stratégie qui sera suivie par chaque virus pour exploiter au mieux la machinerie cellulaire, en vue d'assurer l'expression des gènes viraux et la réplication du génome. Il faut noter que la cellule est un espace compartimenté dans lequel différentes étapes de la réplication, de l'expression des gènes ou de l'adressage des protéines peuvent survenir dans des compartiments distincts.

Compartimentalisation de la cellule eucaryote

I.5.7. Compartimentalisation de la cellule eucaryote

Dans une cellule eucaryote, les étapes de réplication,
de transcription et de maturation des ARNs messagers (ARNm) se déroulent dans le noyau.
La traduction des ARNm en protéines se déroule dans le cytoplasme.
Les protéines produites sont ensuite adressées vers le compartiment où elles doivent exercer leur action :
noyau, cytoplasme, réticulum endoplasmique, lysosomes, mitochondries, membrane...

2.1 Les virus à ADN

Les virus à ADN double brin (Groupe I selon Baltimore) utilisent généralement la machinerie cellulaire, tant pour leur réplication que pour la transcription de leurs gènes en ARNm et ensuite pour la maturation de ces ARNm. Leur cycle est donc nucléaire.

Malgré leur cycle nucléaire (et donc malgré la présence des enzymes cellulaires requises pour la réplication et la transcription), les virus herpès codent pour leur propre ADN-polymérase, ce qui leur assure une certaine indépendance vis-à-vis du cycle cellulaire pour leur réplication. Les virus de la famille des Poxviridae comme le virus de la vaccine constituent une exception notoire. Ils ont un cycle de réplication cytoplasmique. Ces virus codent donc pour toutes les enzymes responsables de la réplication de l'ADN viral et pour les enzymes nécessaires à la production des ARNm.

 

Il existe, pour les virus à ADN, une régulation dans le temps de l'expression des gènes. On distingue, selon les cas, les ARNm immédiats, précoces et tardifs.
- Certains virus, comme les parvovirus, ont un génome monocaténaire (ADN simple brin) (Groupe II selon Baltimore). Ces virus utilisent néanmoins les ADN-polymérases cellulaires pour leur réplication (qui passe transitoirement par une forme double brin), et l'ARN-polymérase II cellulaire pour la transcription du génome en ARNm.
- La dépendance de la réplication virale aux enzymes cellulaires nécessite que les cellules soient elles-mêmes en phase de réplication. Par exemple, les parvovirus infectent préférentiellement, voire exclusivement, les cellules en mitose.

Réplication des virus à ADN.

I.5.8. Réplication des virus à ADN.
Le génome des virus à ADN (à l'exception de celui des Poxvirus) est répliqué dans le noyau. Il est généralement répliqué et transcrit par les polymérases cellulaires (en bleu sur le schéma). Le génome des virus à ADN simple brin (ADN-ss) est converti en ADN double brin (ADN-ds) par la polymérase cellulaire. La maturation des ARNm et leur traduction sont assurées par la machinerie cellulaire.

Virus oncolytiques (en savoir plus)

  • Dans la mesure ou certains virus comme les parvovirus infectent quasi-exclusivement des cellules en division active et que l'infection conduit à la lyse de ces cellules, il a été proposé d'utiliser de tels virus comme "agents oncolytiques", cad des agents capables de tuer des cellules cancéreuses en croissance.
  • L'idée est que, d'une part, le virus détruit spécifiquement certaines cellules cancéreuses en s'y répliquant directement et que, d'autre part, la présence du virus va activer localement la réponse immunitaire et va contribuer ainsi à l'élimination des cellules cancéreuses et aussi du virus.

2.2. Les virus à ARN

Polarité des virus à ARN : ARN+, ARN- et ARN ambisens

Polarité des virus ARN : ARN+ et ARN-

I.5.16. Polarité des virus ARN : ARN+ et ARN-

- Une polymérase (ARN-pol ou ADN-pol) ne synthétise pas une copie de la molécule d'acide nucléique initiale. Elle synthétise toujours un brin complémentaire (complémentarité des bases A-T ou A-U et G-C) et anti-parallèle (5' ----> 3'  est recopié  3' <---- 5').

- Par définition, l'ARNm est un ARN de polarité positive (ARN+)

- Le brin qui a été recopié par une polymérase pour former un ARNm est un ARN qui lui est complémentaire, cad un ARN de polarité négative (ARN-).

- Le brin qui a été recopié pour former cet ARN- est un ARN+   etc.…

- Le génome d'un virus à ARN est donc recopié par une polymérase virale pour former un brin anti-parallèle et complémentaire à ce génome, appelé "antigénome", qui peut être un ARN+ ou un ARN- selon le virus en question.

- Tous les ARNm sont des ARN+ par définition

- Tous les ARN+ ne sont pas forcément des ARNm. Pour être un ARNm, l'ARN+ doit être effectivement utilisé par les ribosomes pour assurer la traduction des protéines. Les ARNm doivent comporter une région codante (ORF) et les signaux qui permettent leur traduction.

Polarité des virus ARN : ARN ambisens

I.5.17. Polarité des virus ARN : ARN ambisens

- Dans le cas atypique des virus ambisens, certains ARNm sont synthétisés en utilisant le génome viral comme matrice. Le génome viral doit donc être considéré comme un ARN-. Cependant, un ARNm est également synthétisé en utilisant le brin complémentaire du génome (antigénome) comme matrice. L'antigénome viral devrait donc être considéré comme un ARN- et le génome viral un ARN+. Le génome viral devrait donc à la fois être considéré comme ARN- et ARN+, d'ou son appellation d'ARN ambisens.

Exemples de virus à ARN+: Picornavirus (polio, hépatite A), Coronavirus (SARS), majorité des virus de plantes (tombusvirus, bromovirus, tobamovirus dont le virus de la mosaïque du tabac).

Exemples de virus à ARN-: Rhabdovirus (rage), myxovirus (grippe), paramyxovirus et apparentés (paramyxovirus , rougeole, oreillons, virus respiratoire syncytial), filovirus (Ebola).

Exemples de virus ambisens: Certains virus de la famille des Arenavirus et des Bunyavirus animaux (Phlebovirus, ) ou végétaux (tenuivirus, tospovirus)

 

- Les virus à ARN ont un cycle de réplication cytoplasmique. Aucune enzyme nucléaire de la cellule ne peut leur être utile pour la réplication ou la transcription étant donné qu'à ce jour, aucune ARN-polymérase ARN-dépendante capable de retranscrire de longs segments d'ARN n'a été décelée dans les cellules de mammifères. Les virus à ARN codent donc leur propre polymérase. La polymérase virale est généralement une enzyme multifonctionnelle qui assure les fonctions de réplication du génome, de transcription en ARNm et parfois d'addition de coiffe et de queue de poly A sur les ARNs messagers. En se répliquant dans le cytoplasme des cellules, ils peuvent exploiter la présence des ribosomes cellulaires pour assurer la traduction de leurs ARNm.
- Certains virus à ARN, dont le virus de la grippe (orthomyxovirus) ou le virus de Borna (famille des Bornaviridae, apparenté aux Rhabdoviridae), font exception à cette règle en se répliquant dans le noyau de la cellule. Ces virus exploitent la machinerie d'épissage de la cellule (nucléaire) pour augmenter leur capacité codante, grâce à l'épissage différentiel.

Activités des ARN-polymérases ARN-dépendantes

- Ces polymérases synthétisent des molécules d'ARN qui sont complémentaires d'une matrice d'ARN. Elles peuvent synthétiser des brins d'ARN+ ou d'ARN- qui correspondent à des génomes ou des "antigénomes", en recopiant l'intégralité de la matrice. Le signal d'initiation reconnu est alors un "promoteur" situé à l'extrémité de la molécule matrice.
- Ces polymérases peuvent également reconnaître des promoteurs et signaux de fin de transcription internes à la molécule matrice, notamment pour synthétiser des ARNm sub-génomiques. Certaines de ces enzymes sont capables de former une coiffe à l'extrémité 5' et une queue de polyA à l'extrémité 3' des molécules d'ARNm transcrites.

 

 

L'exception des viroïdes et du virus de l'hépatite delta (en savoir plus)

Les viroïdes sont des éléments parasites des plantes, constitués seulement d'une molécule d'ARN (qui a une activité de ribozyme). Le génome du virus de l'hépatite delta est également une molécule d'ARN à activité de ribozyme, et qui ne peut infecter de manière productive que les cellules infectées par le virus de l'hépatite B.
Ni les viroïdes, ni le virus de l'hépatite delta ne codent de polymérase malgré que le génome de ces éléments soit constitué d'ARN. En fait, il semble que ces agents soient capables de modifier le fonctionnement de l'ARN-polymérase II cellulaire de sorte que cette enzyme puisse avoir une activité de polymérase ARN-dépendante inhabituelle.

 

2.2.1. Les virus à ARN positif (ARN+) (groupe IV selon Baltimore)

On appelle "ARN de polarité positive" ou "ARN+" les ARNs qui ont la même polarité que l'ARN messager codant pour les protéines. La plupart des virus à ARN+ (si pas tous) ont un génome qui possède les signaux requis pour être traduit directement par les ribosomes de la cellule hôte.

Chez certains virus, comme les picornavirus ou les flavivirus, la totalité des protéines virales peuvent être synthétisées à partir de l'ARN génomique. Chez ces virus, un seul cadre de lecture ouvert (ORF pour "open reading frame") assure la synthèse d'une polyprotéine qui est clivée par un processus autocatalytique (protéases virales contenues dans la polyprotéine) pour fournir l'ensemble des protéines virales.

Chez d'autres virus comme les togavirus ou les coronavirus, seule une partie des protéines peut être produite en utilisant le génome comme ARNm. Parmi ces protéines, on trouve la polymérase virale. Cette polymérase assurera la synthèse d'un brin complémentaire au génome (antigénome) puis la synthèse d'ARNm génomiques ou sub-génomiques, ces derniers permettant la traduction des autres protéines virales (souvent les protéines structurales).

(sans ARNm sub-génomique)
Réplication des virus à ARN+ (sans ARNm sub-génomique)

I.5.9. Réplication des virus à ARN+ (sans ARNm sub-génomique)
Le génome de certains virus à ARN+ code pour une polyprotéine unique qui subit un clivage par une ou plusieurs protéase(s) virale(s) pour donner l'ensemble des protéines nécessaires au cycle viral. Dans ce cas, toutes les protéines du virus sont donc traduites à partir de l'ARN génomique.
La réplication du génome est assurée par une polymérase virale qui recopie l'ARN génomique (+) en ARN anti-génomique (-) et ensuite recopie cet ARN anti-génomique en ARN génomique.

Le cycle de réplication des virus à ARN+ est cytoplasmique.
La réplication et la transcription sont dues à une polymérase virale.
La traduction est assurée par la machinerie cellulaire.

(avec ARNm sub-génomique)

Réplication des virus à ARN+ (avec ARNm sub-génomique)

I.5.10. Réplication des virus à ARN+ (avec ARNm sub-génomique)
Chez certains virus à ARN+, la traduction du génome fournit une partie des protéines virales. Les ARNm codant pour les autres protéines sont transcrits par la polymérase virale à partir de l'ARN anti-génomique.
Ces ARNm ne correspondent qu'à une portion du génome et sont donc appelés ARNm sub-génomiques.

Le cycle de réplication des virus à ARN+ est cytoplasmique.
La réplication et la transcription sont dues à une polymérase virale.
La traduction est assurée par la machinerie cellulaire.

Du fait que le génome des virus ARN+ est généralement reconnu comme ARNm par la machinerie cellulaire, il est aisé d'obtenir des clones infectieux de ces virus : (en savoir plus)

Le génome de la plupart des virus à ARN+ est infectieux: lorsque l'on introduit ce génome dans des cellules en culture, il y a initiation d'un cycle viral qui aboutit à la formation de nouveaux virions infectieux. On peut ainsi produire des virus à partir de clones plasmidiques comportant le génome viral, cloné sous forme d'ADN complémentaire. Sur de tels plasmides, le cDNA viral est entouré de signaux qui permettent la transcription d'un ARN correspondant à l'ARN viral. Lorsque cet ARN est introduit artificiellement ou exprimé dans une cellule, il peut être traduit. Les protéines virales exprimées (dont la polymérase) peuvent alors prendre en charge le génome viral pour assurer son expression et sa réplication.
De tels clones de cDNA infectieux sont aisément manipulables par les techniques de biologie moléculaire. Ils représentent donc des outils formidables pour manipuler les génomes viraux en vue de comprendre leur fonctionnement ou de les utiliser comme outils (vecteurs d'expression, vecteurs vaccinaux...)

 

2.2.2. Les virus à ARN négatif (ARN-) (Groupe V selon Baltimore)

- Les virus à ARN négatif "ARN-" (rhabdovirus, paramyxovirus, orthomyxovirus) ont un génome dont la polarité est complémentaire à celle des ARNs messagers. Les génomes de ces virus ne peuvent donc en aucun cas être utilisés directement par les ribosomes cellulaires pour assurer la traduction.

- Comme dans le cas des virus à ARN+, la polymérase utilisée par ces virus est codée par le génome viral. Il s'agit d'une ARN-polymérase ARN-dépendante qui assure les fonctions de transcription et de réplication du génome.

- Pour la transcription, la polymérase codée par le virus forme, à partir du génome à ARN-, des ARNm sub-génomiques correspondant à chaque "gène". Ces ARNm sont alors pris en charge par les ribosomes cellulaires pour être traduits. Pour la réplication, la même polymérase synthétise un antigénome (copie complémentaire de la totalité du génome) qui sert ensuite de matrice pour la production de nouveaux génomes à ARN-.

Réplication des virus à ARN-

I.5.11. Réplication des virus à ARN-
Le génome des virus à ARN- est transcrit en ARNm sub-génomiques par l'ARN-polymérase virale.
Cette même ARN-polymérase assure aussi la réplication du génome viral (ARN- > ARN+ > ARN-).
La traduction des ARNm est assurée par les ribosomes cellulaires.

 

Il existe des virus appelés virus à ARN ambisens (cas de certains arbovirus comme les bunyavirus, tospovirus ou les arenavirus) parce que l'on ne peut attribuer à leur génome aucune polarité. En effet, leur génome est apparenté à celui de certains virus à ARN-. Cependant, si la majorité des ARNs messagers sont bien complémentaires au génome, certaines protéines sont produites par des ARNm qui ont la même polarité que le génome. On ne peut donc pas définir stricto sensu un brin + et un brin-, d'où leur appellation de "virus à ARN ambisens".

On note qu'une étape de transcription est nécessaire pour produire les ARNm viraux à partir du génome à ARN-. L'ARN-polymérase virale ne peut donc être produite par les cellules infectées sans transcription préalable du génome en ARNm (par l'ARN-polymérase virale). Les virus à ARN- sont donc obligés de transporter quelques copies de la polymérase virale dans leur virion pour pouvoir initier leur cycle de réplication dans la cellule hôte.

 

2.2.3. Les virus à ARN double brin (ARNds) (Groupe III selon Baltimore)

Certains virus comme les réovirus, les rotavirus, et les birnavirus ont un génome segmenté constitué d'ARN bicaténaire. Le brin d'ARN- sert de matrice pour la production des différents ARNs messagers. Comme pour les autres virus à ARN, une polymérase codée par le virus est responsable de la transcription et de la réplication du génome.

 

2.3. Les virus utilisant une transcriptase inverse

Les rétrovirus (virus HIV, HTLV...), les hépadnavirus (virus de l'hépatite B) et les caulimovirus (virus de la mosaïque du chou-fleur) ont la particularité de coder pour une transcriptase inverse (reverse transcriptase/RT) qui, au cours de leur cycle de réplication, convertit un ARN+ viral en ADN double brin (rétrotranscription).

Dans le cas des rétrovirus, c'est la molécule d'ARN qui est encapsidée pour former le virion et la rétrotranscription s'effectue au moment où la nucléocapside virale pénètre dans le cytoplasme de la cellule infectée (groupe VI selon Baltimore).

Dans les deux autres cas (hepadnavirus et caulimovirus), la rétrotranscription s'effectue au moment ou le virus quitte le cytoplasme de la cellule infectée. C'est donc un génome à ADN qui est encapsidé pour former les virions (groupe VII selon Baltimore).

Réplication des rétrovirus

I.5.12. Réplication des rétrovirus
Le génome des rétrovirus est un ARNm transcrit initialement par l'ARN-polymérase II cellulaire. La transcriptase inverse recopie cet ARN en ADN double-brin qui migre dans le noyau et est intégré dans le génome de la cellule. L'ARNm viral transcrit par l'ARN-polymérase II cellulaire peut soit subir un épissage soit rester non-épissé, et est exporté vers le cytoplasme où il est traduit par les ribosomes cellulaires.

3. Assemblage et sortie

Après la réplication du génome viral et la synthèse des protéines structurales, les virions sont assemblés et libérés par la cellule hôte, de manière à pouvoir se propager à d'autres cellules ou d'autres organismes.

3.1. Virus non-enveloppés

Il semble que l'assemblage des virus non-enveloppés résulte d'un processus très efficace d'auto-assemblage associant le génome viral et les protéines de capside. Les virus matures s'accumulent dans le noyau ou le cytoplasme de la cellule infectée puis sont le plus souvent libérés par lyse cellulaire.

Cette lyse survient suite à la désorganisation structurale et métabolique de la cellule infectée causée par la production massive des éléments viraux au détriment des protéines cellulaires.

Il existe cependant une série de données récentes montrant que la libération des virus nus peut s'observer en absence de lyse cellulaire, via la formation de vésicules extracellulaires. Ce type de relargage a notamment été documenté dans le cas de picornavirus comme le virus de l'hépatite A ou le virus de la poliomyélite.

 

I.5.14. Schéma récapitulatif de la réplication des virus
Cliquez sur le menu en haut à droite afin de visualiser les différentes étapes de la réplication des virus  

Auto-assemblage des capsides et formation de "VLPs" (en savoir plus)

Pour certains virus, le processus d'auto-assemblage des protéines de capside est particulièrement efficace. L'expression de ces protéines en grande quantité dans des systèmes d'expression hétérologues (bactéries, levures...) suffit à assurer la formation de pseudo-particules virales dépourvues de génome. On appelle ces structures VLPs ("virus-like particles" en anglais). Les VLPs ne sont pas infectieuses mais sont immunogènes. Elles représentent donc des formes potentielles de vaccin. C'est notamment le cas du vaccin développé récemment contre le papillomavirus humain. Ce vaccin est formé de VLPs formées par l'auto-assemblage de la protéine de capside L1.

 

3.2. Virus enveloppés

 

Les virus enveloppés sont libérés des cellules infectées par bourgeonnement. Les glycoprotéines codées par ces virus sont insérées dans la membrane plasmique cellulaire.

Les nucléocapsides assemblées dans le noyau ou le cytoplasme vont aller interagir avec les régions de membrane hérissées de glycoprotéines. Cette interaction se fait le plus souvent par l'entremise d'une protéine de matrice, localisée à la surface interne de la membrane plasmique.

Le bourgeonnement s'initie alors et aboutit à la libération de nucléocapsides entourées d'une enveloppe correspondant à la membrane plasmique de la cellule productrice, dans laquelle sont insérées les glycoprotéines virales.

A l'inverse de la libération par lyse cellulaire, la production de virus enveloppés par bourgeonnement ne s'accompagne pas forcément de la mort de la cellule productrice.

 

 

Bourgeonnement (en savoir plus)

Quelquefois, le bourgeonnement ne s'opère pas à partir de la membrane plasmique mais à partir de composants internes de la cellule comme la membrane nucléaire, le réticulum endoplasmique ou l'appareil de Golgi. Il s'ensuit un transport vésiculaire du virus qui finit par atteindre la membrane plasmique de la cellule pour être libéré par la cellule muni de son enveloppe. La maturation des glycoprotéines de ces virus requiert aussi un passage de ces protéines dans le réticulum et l'appareil de Golgi où s'effectuent les différentes étapes de glycosylation des protéines.

 

3.3. Virus de plantes

Les virus de plantes constituent à nouveau une exception. Pour assurer leur sortie de la cellule végétale, entourée d’une paroi, ils sont dépendants de leur vecteur ou d'une intrusion mécanique (machines agricoles...).

"Particules virales et particules infectieuses"

Les virions produits par les cellules infectées ne sont pas tous fonctionnels. En effet, suite aux erreurs de la polymérase, il est possible que le génome encapsidé dans le virion ne soit pas fonctionnel. Il est possible aussi que la capside n'ait pas été formée correctement ou que toute autre altération accidentelle rende le virus non infectieux. On distingue ainsi les termes de "particule virale" qui correspond à un virion complet mais pas forcément fonctionnel) et de "particule infectieuse" qui correspond à un virion effectivement capable d'infecter une autre cellule. Le rapport particule infectieuse/particule virale est parfois très faible (souvent 1/100 voire 1/1000).