Autrefois, les Polyomavirus et les Papillomavirus étaient regroupés en une famille unique nommée Papovaviridae (nom qui regroupe le début du nom de chaque membre). Ces deux groupes ont été séparés en deux familles distinctes: les Polyomaviridae (ou "Polyomavirus") et les Papillomaviridae (ou "papillomavirus").
Ces deux familles de virus ont en commun d'être des petits virus à ADN double brin non-enveloppés. Vu leur faible capacité codante, les petits virus à ADN dépendent des enzymes cellulaires pour assurer la réplication de leur génome. Pour exploiter au mieux les enzymes cellulaires, les petits virus à ADN incitent la cellule hôte à être elle même en voie de division active. Ces virus sont donc susceptibles de causer l'immortalisation ou la transformation cellulaire.
La famille des Polyomaviridae comprend notamment les virus humains JC et BK qui sont présents à l'état persistant chez la plupart des individus, classiquement sans provoquer de pathologie. Chez certains individus immunodéprimés (traitement immunosuppresseur, SIDA, ...), le virus JC peut être réactivé et causer une leucoencéphalite multifocale progressive (PML ou LEMP), une maladie mortelle qui atteint la substance blanche du système nerveux central. Les virus BK provoquent des cystites hémorragiques chez des patients transplantés de moëlle et des insuffisances rénales et sténose de l’uretère chez les transplantés rénaux. Les représentants les mieux caractérisés des Polyomaviridae sont le virus du polyome de la souris et le virus simien SV40 (Simian Virus 40). Le virus murin du polyome a été découvert en 1956 chez la souris AKR par sa capacité d'induire des tumeurs lorsqu'il est inoculé au souriceau nouveau-né. Le virus SV40 a été découvert comme contaminant d'un lot de vaccins dirigés contre la poliomyélite. Ce virus a été involontairement administré à des milliers de personnes sans (apparemment) induire de pathologie.
- La famille des Papillomaviridae représente un exemple typique de famille virale composée de petits virus à ADN pouvant entraîner la formation de tumeurs. Ils peuvent, chez l'homme ou l'animal, causer des lésions liées à la prolifération cellulaire, qui vont de la verrue au cancer (notamment le fréquent cancer du col de l'utérus).
Actuellement, plus de 100 types de Papillomavirus humains (HPV = human papillomavirus) ont été identifiés. Ils sont classés en genres, espèces et types, en fonction de la séquence de leur génome (Figure 1. Phylogénie). Les différents types sont partagés entre des types affectant les muqueuses et d’autres touchant la peau. Ensuite les types peuvent être divisés en types donnant des lésions bénignes (non cancéreuses) et celle pouvant donner lieu à des cancers.
Les virus des types HPV-16 et HPV-18 causent à eux seuls plus de 70% des cancers du col de l’utérus, du vagin ou de l'anus. Ils appartiennent au genre "alpha" et, respectivement, aux espèces "9" et "7". La découverte du lien de causalité entre papillomavirus et cancer du col de l'utérus ont valu à H. zur Hausen le prix Nobel de Physiologie et médecine 2008
Famille | Papillomaviridae (! seulement 40% id. entre souches les plus divergentes) |
Genre | (< 60% id.) 12 genres: α, β,... |
Espèce | (60 à 70% id.): 5, 6, 7, ... |
Type | (71 à 89% id.): HPV-16,-18... |
Sous-type | (90 à 98 % id.) |
Variant | virus dont le génome ne diffère que très peu d'un autre, mais dont le phénotype peut être légèrement différent. |
Isolat | virus nouvellement isolé, même s'il est semblable à un virus isolé précédemment. |
V.5.1. Arbre phylogénétique de la famille des Papillomaviridae.
La famille des Papillomaviridae est subdivisée en une douzaine de genres désignés par une lettre grecque (α, β, γ, ...). Chaque genre est divisé en espèces. Celles-ci sont désignées par un chiffre. Enfin, au sein d'une espèce, les virus sont classés en types (HPV-16, HPV-18 etc...). On considère que des virus appartiennent à des types distincts si leurs génomes présentent moins de 90% d'identité au niveau de la séquence nucléotidique. Au sein d'un sous-type, on peut trouver plusieurs variants et plusieurs isolats. Par exemple, le Papillomavirus humain HPV-16, susceptible de causer un cancer du col utérin, appartient au type HPV-16, à l'espèce 9 et au genre α.
Les Papillomavirus sont des virus non-enveloppés, limités par une capside de symétrie icosaédrique de 52 à 55 nm de diamètre. Deux protéines interviennent dans la constitution de la capside: L1 et L2. Cependant, la protéine L1 forme à elle seule l'essentiel de la capside. Dans cette capside, 360 protéines L1 sont assemblées en 72 pentamères. 12 pentamères sont situés sur un axe de symétrie 5 tandis que 60 pentamères sont centrés sur un axe de symétrie 6. L'assemblage de la capside fait donc intervenir différents types d'interactions entre protéines L1 de pentamères voisins. Par analogie avec la situation de SV40 (Figure V.5.2), on pense que ces différentes interactions sont possibles grâce à la flexibilité de la protéine L1.
V.5.2. Structure de la capside des Papillomavirus.
360 protéines L1 sont assemblées en 72 pentamères. 12 pentamères sont situés sur un axe de symétrie 5 (indiqué par un 5 noir) tandis que 60 pentamères sont centrés sur un axe de symétrie 6 (indiqué par un 6 blanc).
(Figure adaptée de Wikipedia : Trus BL, Roden RB, Greenstone HL, Vrhel M, Schiller JT, Booy FP. (1997) Novel structural features of bovine papillomavirus capsid revealed by a three-dimensional reconstruction to 9 A resolution. Nature Structural Biology 4(5):413-20).
Le génome des Papillomavirus est une molécule d'ADN double brin circulaire d'environ 8kb qui code pour 8 à 10 protéines. Une curiosité du génome des Papillomavirus est que tous les gènes sont exprimés à partir du même brin d'ADN. Grâce à l'utilisation de promoteurs et de signaux de polyadénylation alternatifs, différents transcrits peuvent être générés. Ceux-ci subissent ensuite un épissage alternatif avant leur traduction, de sorte que malgré sa petite taille, le génome viral peut coder jusqu'une dizaine de protéines. Les promoteurs de transcription sont régulés de façon à ce que les protéines virales soient exprimées en deux phases (précoce et tardive). Les protéines précoces sont appelées E1, E2... (E pour "early"). Les protéines tardives sont nommées L1 et L2 (L pour "late"). (Figure 3-GENOME et expression)
V.5.3. Cartes génétiques des Papillomavirus bovin BPV-1 et humain HPV-18.
Le génome des Papillomavirus est une molécule d'ADN double brin d'environ 8kb. L'utilisation de plusieurs promoteurs de transcription (indiqués par P sur le génome) permet une régulation transcriptionnelle en fonction du temps (early & late) et en fonction de l'état de différentiation de la cellule infectée. L'utilisation de signaux de polyadénylation alternatifs et l'épissage alternatif augmentent la complexité de la régulation de l'expression des gènes. Ainsi, plus de 20 types d'ARNm matures auraient été identifiés dans le cas du BPV-1. Une curiosité du génome des Papillomavirus est que les gènes sont transcrits dans le même sens. Les ORFs codant les protéines précoces (E) sont indiquées en rouge. Les ORFs codant pour les protéines tardives (L) sont indiquées en orange.
Les Papillomavirus sont remarquables par le fait qu'ils infectent de façon spécifique les cellules des épithéliums stratifiés squameux, qui sont en différenciation constante. La conséquence de cette spécialisation est qu'il n'est pas possible d'étudier le cycle viral dans des cultures cellulaires classiques, in vitro. Le fonctionnement des Papillomavirus est donc nettement moins bien compris que celui des Polyomavirus comme SV40.
Le récepteur des Papillomavirus n'a pas été formellement identifié. Les intégrines cellulaires (en particulier les intégrines α6β1 et α6β4) semblent participer à la reconnaissance des cellules par ces virus. Les glycosaminoglycanes présents à la surface des cellules pourraient aussi contribuer à l'infection des cellules. L'entrée du virus semble impliquer une étape d'endocytose dans des vésicules à clathrine, préalable à la libération du génome (peut-être accompagné de la protéine L2) dans la cellule. Cependant, l'étape d'entrée pourrait différer entre virus de types distincts.
Dans l'épiderme, les virus infectent les cellules situées à la base de l'épithélium (cellules souches). Une partie de ces cellules se différencie pour fournir des cellules épithéliales kératinisées qui migrent vers la surface de l'épiderme. Les étapes du cycle de réplication du virus sont étroitement couplées à la différenciation cellulaire, de sorte que les protéines de capside (et donc les particules virales infectieuses) ne sont produites qu'en fin de cycle, par les cellules fortement différenciées, proches de la surface. Les virus sont alors libérés par ces cellules qui desquament en surface de l'épiderme.
V.5.4. Différenciation de l'épiderme et cycle des Papillomavirus.
La réplication du génome viral et l'expression de certains gènes précoces prennent place dans une couche profonde de l'épiderme, au niveau de cellules souches capables de se multiplier pour fournir en permanence des nouvelles cellules qui migrent en surface de l'épithélium, puis qui sont éliminées (desquamation). L'expression des gènes est régulée par la différenciation progressive de ces cellules, pendant leur migration vers la surface. Les protéines de capside qui permettent de former de nouveaux virions sont produites par des cellules fortement différenciées, proches de la desquamation. Ce processus permet la réplication du génome dans les cellules mitotiques profondes et le relarguage de particules virales infectieuses en surface.
La majorité des protéines (6 à 8) sont exprimées de manière précoce. Elles possèdent des fonctions régulatrices et interagissent avec les facteurs de la cellule hôte. Parmi ces protéines, les protéines E6 et E7 semblent participer de manière prépondérante au pouvoir transformant des virus, en interagissant respectivement avec les protéines cellulaires p53 et p105Rb. Ces dernières sont des protéines "suppresseurs de tumeurs" qui participent au contrôle négatif du cycle cellulaire. L'interaction des protéines virales avec ces deux régulateurs inhibe leur fonction et incite la cellule à proliférer. Cette situation est donc analogue à celle rencontrée pour la protéine T de SV40. (De la même manière, les protéines E1a et E1b des adénovirus - qui sont aussi de petits virus à ADN - interfèrent aussi avec la fonction de p53 et p105Rb).
Deux protéines, L1 et L2 sont exprimées de manière tardive et correspondent aux protéines de capside. L1 est une protéine de 55 kDa et représente 80% des protéines du virion. L2 est une protéine de 70 kDa moins abondante. Elle participe à la sélectivité de l'encapsidation de l'ADN viral.
Lorsque le gène codant la protéine L1 est surexprimé dans un système d'expression eucaryote ou bactérien, les protéines L1 produites peuvent s'assembler spontanément pour former des particules dépourvues de génome, appelées "VLP" ("virus-like particles"). Lorsque la protéine L2 est co-exprimée, elle est également incorporée dans les VLPs, mais elle nettement moins abondante que L1.
Récemment, des vaccins ont été conçus pour prévenir les cancers liés aux infections par les Papillomavirus. Ils sont constitués de VLPs issus des souches les plus couramment rencontrés dans les cancers (HPV16 et 18) et un des deux vaccins actuels contient les antigènes de HPV11 et 6, protégeant contre la majorité des papillomes bénins. Ces papillomes, généralement génitaux et appelés condylomes, constituent l’infection sexuellement transmissible la plus fréquente. Les vaccins sont destinés prioritairement aux femmes jeunes, n’ayant pas encore eu de contacts sexuels, et donc non infectées par un des virus présents dans le vaccin.